Les écologistes manifestent souvent un mépris souverain pour la science économique, qui n’est pour eux qu’un accessoire de la panoplie du parfait capitaliste, obnubilé par la croissance et le profit, sans aucune considération pour l’humain et son environnement. Mais l’inverse n’est pas vrai.
Depuis plusieurs années déjà, les économistes ont pris conscience des enjeux écologiques. Le problème du climat a joué un rôle moteur dans cette évolution. Pendant longtemps, la grande question a été de savoir comment obtenir une croissance soutenue et régulière et comment en faire profiter le plus grand nombre. Puis, progressivement, avec l’impact qu’elle pouvait avoir sur l’environnement, on a commencé à se poser des questions sur la croissance elle-même: certains la remettent carrément en cause, d’autres cherchent à savoir comment on pourrait croître autrement, notamment en émettant moins de gaz à effet de serre.
Une déjà longue histoire
Tout a commencé avec les travaux du GIEC et les premières conférences de l’ONU sur le climat, les fameuses COP. C’est ainsi que sont nés les taxes carbone et les marchés de droits d’émission. La plupart des écologistes n’y ont rien compris et n’ont vu dans ces innovations qu’un «droit à polluer» (beaucoup n’ont d’ailleurs toujours rien compris), alors qu’il s’agissait de donner aux États des instruments leur permettant de maîtriser l’évolution des émissions de gaz à effet de serre en donnant un prix au carbone.
Au début, les économistes qui avaient porté leur intérêt sur ce problème travaillaient essentiellement pour les États et les organisations internationales. Mais, assez rapidement, les entreprises et les organisations professionnelles ont compris que cette histoire de gaz à effet de serre n’était pas à négliger et qu’elles allaient devoir en tenir compte dans leur processus de prise de décision. Il allait y avoir besoin de spécialistes. C’est ainsi qu’en France, en 2010, l’économiste Christian de Perthuis a pris l’initiative de fonder la Chaire Économie du climat avec le soutien de l’Université Paris-Dauphine.
La COP21 et l’accord de Paris ont accéléré le mouvement. La parenthèse Trump a d’ailleurs finalement joué un rôle utile: on a pu voir que si un président inculte pouvait retirer son pays de l’accord de Paris et freiner les évolutions en cours, il ne pouvait pas empêcher les responsables économiques et financiers américains de placer la question du changement climatique au centre de leurs préoccupations. Le fait que Joe Biden ait signé dès le 20 janvier, le jour même de son investiture, le décret signifiant le retour des États-Unis dans l’accord de Paris met spectaculairement en relief le caractère irréversible des politiques de réduction des émissions de gaz à effet de serre.